Son fonds Fundsmith a réalisé une performance (en total return) de 8,9% en 2024, loin de son benchmark à 20,9% (l'indice MSCI World en net total return en livre sterling). Terry Smith ne nous avait pas habitués à une si faible performance, du moins un écart si grand avec son indice de référence. En effet, Fundsmith affiche une surperformance de 2,7% par an depuis sa création en novembre 2010 (CAGR de 14,8% contre 12,1% pour le MSCI World). Cette surperformance s'est faite avec moins de risque si l'on s'intéresse au ratio de Sortino (0,87 contre 0,60 pour l'indice). Malgré cette contre-performance en 2024, le fonds se classe 2ème de sa catégorie depuis sa création parmi un univers de 162 fonds similaires de l'Investment Association Global.
Découvrez la philosophie d'investissement de Terry Smith
Alors pourquoi cette sous-performance récente ?
Tout d'abord, Terry Smith rappelle et assume que le but de Fundsmith n'est pas de surperformer chaque année. Cela serait bien trop présomptueux de pouvoir affirmer ça. Il attribue cette sous-performance du fonds à la concentration des performances notamment dans 5 entreprises (Nvidia, Apple, Meta, Microsoft et Amazon) qui ont fourni 45 % des rendements de l'indice S&P 500 en 2024. Fundsmith possède Microsoft et Meta Platforms mais pas les trois autres (Nvidia, Apple et Amazon), ce qui fait qu'il sous-pondère naturellement ce lot d'entreprises par rapport à l'indice S&P 500. Cette concentration des performances sur ces 5 valeurs en 2024 est similaire à la concentration des performances dans les 7 magnifiques en 2023. Une seule action (en l'occurrence Nvidia) a produit plus de 20 % des rendements du S&P 500 en 2024. Cette concentration des rendements dans quelques entreprises technologiques n'est pas un phénomène purement américain. On remarque qu'en Allemagne, 41 % du rendement de l'indice DAX provenaient de l'action SAP dont le cours de l'action a augmenté de 69 %.
Terry Smith se méfie de l'enthousiasme autour de l'IA bien qu'il en profite aux travers de ses participations. Ce sujet, déjà évoqué dans sa lettre de 2023, est également au cœur de sa lettre de 2024. Il cite Mark Twain ("L'histoire ne se répète pas, mais elle rime") pour faire un parallèle avec le marché d'aujourd'hui et la bulle des Dotcom. Il note cependant que les entreprises technologiques d'aujourd'hui n'ont rien à voir avec celles de la bulle TMT (elles sont très profitables, ont des bilans sains) et sont soutenues par l'investissement passif ("A mesure que l'argent sort des fonds actifs et entre dans les fonds indiciels, cela stimule la performance des plus grandes entreprises. C'est une boucle de rétroaction auto-renforçante qui fonctionnera jusqu'à ce qu'elle ne le fasse plus"). Terry Smith explique que "la demande de Nvidia est dominée par une poignée de soi-disant hyperscalers construisant des centres de données pour gérer de grands modèles de langage pour l'IA". Bien qu'il possède Meta, il ne peut détenir toutes ces actions de forte croissance (en expliquant pourquoi il ne possède pas Nvidia). En effet, malgré la hausse spectaculaire de ces deux dernières années, Meta et Nvidia peuvent également être très volatiles et afficher des drawdowns importants (-66% pour Nvidia en 2022 et -76% pour Meta Platforms en 2022).
Les principaux destructeurs de performance pour le fonds ont été L'Oréal, Idexx Laboratories, Nike, Brown-Forman et Novo Nordisk. Les principaux contributeurs à la performance ont été Meta Platforms, Microsoft, Philip Morris, ADP et Stryker.
Qu'a fait Terry Smith en 2024 ?
Lorsque l'on s'intéresse aux changements dans son portefeuille, on observe relativement peu de mouvements. C'est une volonté de la part du gérant anglais afin de limiter les frottements. Cela fait d'ailleurs partie de ces trois principes de base de sa philosophie d'investissement : "achetez de bonnes entreprises, ne payez pas trop cher et ne faites rien". Cette dernière idée "ne rien faire" est certainement la plus dure car peu d'investisseurs sont suffisamment patients pour voir leurs titres stagner plusieurs années et tout de même les conserver. Ainsi, le taux de rotation de son portefeuille a été de 3,2% en 2024. Son fonds a ainsi dépensé au total 0,002% de sa valeur moyenne pour payer des frais de transactions pour ses opérations volontaires. Cela permet donc de conserver un maximum de valeur pour les actionnaires. Terry Smith détient encore 4 entreprises depuis la création du fonds en 2010, 9 depuis plus de 10 ans et 15 depuis plus de 5 ans.
Parmi ses mouvements, Terry Smith a notamment vendu ses participations dans Diageo, McCormick et Apple au cours de l'année 2024. Diageo a montré des problèmes avec sa nouvelle direction, illustrés par un manque d'informations sur son activité en Amérique latine qui a produit des résultats bien pires que le secteur dans cette région. De plus, le secteur des boissons alcoolisées est d'après lui aux premiers stades d'un impact négatif des médicaments pour la perte de poids. En effet, il semble probable que les médicaments seront finalement utilisés pour traiter l'alcoolisme, tant leur effet sur la consommation est important. La vente de McCormick s'explique par la déception concernant la lenteur de la réponse que l'entreprise a montrée dans sa capacité à répercuter l'inflation des coûts des intrants, comprimant ainsi ses marges, ainsi que son exposition à la concurrence des marques de distributeur qui s'est intensifiée à mesure que l'inflation a poussé les consommateurs à se tourner vers des produits moins chers. La vente d'Apple s'explique par le fait que l'action est devenue trop chère pour eux et qu'ils n'ont pas eu le temps de construire une ligne suffisante.
En 2024, Terry Smith a commencé à acheter des participations dans Atlas Copco et Texas Instruments. Atlas Copco est une entreprise industrielle suédoise qui fabrique des compresseurs, des équipements de vide, des outils électriques et pneumatiques et qui présente des caractéristiques attrayantes (externalisation d'une grande partie de la fabrication, ce qui la rend légère en capital et améliore les rendements, décentralisation avec plus de 600 entités opérationnelles qui ont une autonomie considérable pour aborder leur marché local, participation de contrôle détenue par le véhicule familial Wallenberg, ce qui devrait conduire à une bonne prise de décision à long terme puisqu'ils sont en affaires depuis 151 ans). Texas Instruments est un fabricant de microprocesseurs analogiques et embarqués qui entrent dans une large gamme d'appareils grand public et industriels, d'automobiles et d'équipements de communication. Elle investit en prévision d'une probable reprise du cycle des semi-conducteurs bien qu'il soit maintenant évident qu'il n'y a pas un seul cycle (un Nvidia et un STMicroelectronics ne sont pas sur les mêmes marchés et n'ont pas les mêmes cycles d'activités). Texas Instruments a une longue histoire d'investissement bien en avance sur les hausses de la demande et de production de rendements intéressants. Elle est également bénéficiaire de la relocalisation de la fabrication de semi-conducteurs pour éviter les risques géopolitiques de Taiwan et de la Chine.
Terry Smith attaque l'année 2025 en ayant dans son top 10 de ses participations : Meta Platforms, Microsoft, Novo Nordisk, Stryker, L'Oréal, Automatic Data Processing, Visa, Philip Morris, Waters et Alphabet.