par Kate Abnett et Marta Fiorin

STRASBOURG, 18 juillet (Reuters) - Le destin politique d'Ursula von der Leyen se joue ce jeudi à Strasbourg où les eurodéputés doivent se prononcer sur sa reconduction ou non à la tête de la Commission européenne pour un deuxième mandat de cinq ans, avec, en toile de fond, la continuité des principales institutions de l'Union européenne.

Il s'agit d'un vote crucial pour l'exécutif de Bruxelles alors que les élections européennes de juin ont donné lieu à une percée des formations d'extrême droite et eurosceptiques dans de nombreux pays, dont la France et l'Allemagne.

En l'absence d'alternative crédible à Ursula von der Leyen, 65 ans, pour prendre la présidence de la Commission, les partisans de l'Allemande ont présenté le vote de jeudi comme un choix entre la stabilité et le chaos, puisqu'un échec de sa candidature dessinerait une impasse politique.

Rejeter un nouveau mandat d'Ursula von der Leyen reviendrait à "dérouler le tapis rouge à l'extrême droite", a déclaré Sean Kelly, élu du Parti populaire européen (PPE), la formation de centre-droit dont est issue Von der Leyen.

Au cours d'un discours devant les eurodéputés, Ursula von der Leyen va présenter ses projets pour un deuxième mandat, avec la volonté de s'appuyer sur les mesures entreprises lors des cinq dernières années - lancement du "Pacte vert", plan de relance face à la crise du COVID-19 et trains de sanctions contre la Russie pour son invasion de l'Ukraine.

Dans un document de 31 pages présentant sa vision, Ursula von der Leyen plaide pour des projets de défense communs dans l'UE, comme un bouclier aérien européen, et assure qu'elle ne reviendra pas sur la politique écologique engagée par le bloc.

"Nous devons maintenir le cap sur les objectifs fixés dans le cadre du Pacte vert européen", indique-t-elle dans ce document.

Ursula von der Leyen, mère de sept enfants et première femme à avoir dirigé l'exécutif européen, propose également de réorganiser la gestion des frontières de l'UE, de renforcer les agences Frontex et Europol et de tripler le nombre de gardes-frontières et de gardes-côtes européens pour le porter à 30.000.

"Nous ne ferons preuve d'aucune tolérance à l'égard de ceux qui menacent la sécurité de nos frontières et de nos citoyens par des attaques hybrides", indique-t-elle.

Elle ajoute que, si elle est réélue, elle nommera des commissaires chargés de l'élargissement de l'UE et des relations avec la Méditerranée.

Le vote des députés européens est programmé à 13h00 (11h00 GMT).

UN VOTE SERRÉ

Les engagements sur le Pacte vert et le durcissement de ton sur l'immigration devraient aider Ursula von der Leyen à obtenir le soutien des écologistes et des formations d'extrême-droite, qui se sont renforcées lors des dernières élections législatives.

Car si la perspective de laisser un vide à la tête de l'exécutif européen inquiète même les détracteurs d'Ursula von der Leyen, à moins de quatre mois de l'élection présidentielle américaine qui pourrait donner lieu à un retour de Donald Trump à la Maison blanche et nuire à l'unité des Occidentaux sur le dossier ukrainien, rien ne dit que l'Allemande obtiendra les voix nécessaires.

Elle doit recevoir le soutien d'au moins 361 eurodéputés sur les 720 qui composent le Parlement de Strasbourg. Les trois groupes centristes - le PPE, l'alliance sociale-démocrate (S&D) et Renew - ayant appuyé la candidature d'Ursula von der Leyen comptent ensemble 401 voix, mais certains élus devraient s'opposer à sa réélection lors de ce vote à bulletin secret.

Pour obtenir sans encombre un deuxième mandat consécutif, Ursula von der Leyen pourrait avoir besoin de voix en provenance des Conservateurs et réformistes européens (CRE), qui ont 78 eurodéputés, ou des Verts, qui en comptent 53.

"Nous avons besoin du message selon lequel nous allons construire sur la base du Pacte vert actuel et qu'il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré Bas Eickhout, coprésident du groupe des Verts, à propos des conditions nécessaires pour soutenir la candidature d'Ursula von der Leyen.

Ni les Verts, ni le CRE n'ont confirmé qu'ils voteraient en sa faveur. Toutefois Dominik Tarczyski, eurodéputé du CRE, a fait savoir que les 18 élus polonais du groupe se prononceraient contre le maintien d'Ursula von der Leyen à la tête de l'exécutif européen.

"Elle a pris des décisions terribles pour l'Union européenne: l'immigration le Pacte vert, le commerce avec la Chine", a-t-il déclaré à Reuters.

Si la candidature d'Ursula von der Leyen venait à échouer jeudi, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE disposeront d'un mois pour soumettre un nouveau candidat au vote du Parlement, avec pour conséquence vraisemblable de repousser à l'an prochain le début des travaux de la nouvelle Commission. (Kate Abnett; version française Jean Terzian et Blandine Hénault, édité par Kate Entringer)