Une obligation verte représente un prêt émis sur le marché par une entreprise ou une organisation publique auprès d’investisseurs, destiné à financer des initiatives liées à la transition écologique (énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion responsable des déchets et de l'eau, utilisation durable des terres, transports propres et adaptation au changement climatique) centrées principalement sur les infrastructures. Ce type d'obligation se différencie des obligations traditionnelles par un suivi détaillé des investissements financés et la nature écologique des projets soutenus. 

Voici le fonctionnement en un schéma : 

Source : Ministère de la Transition Écologique

Bon, ça c’est la théorie. La pratique est, disons.. à nuancer. 

Bien que la base des obligations vertes soit définie, il n'existe pas de normes précises concernant leur aspect environnemental. Le marché des obligations vertes souffre d'un manque de transparence, d'un flou autour de la définition du caractère vert, l'absence d'encadrement et des problèmes de confiance dans le suivi et l'évaluation.

Contrairement aux emprunts et obligations liés au développement durable qui ont une utilisation générale, les obligations vertes exigent l'affectation du financement aux projets éligibles verts. Néanmoins, il semblerait que les avocats parviennent à dénaturer l'esprit des obligations vertes et les transforment en moyen de pratique de greenwashing.

L'étude de Quinn Curtis, repérée par Joachim Klement de chez Liberum Capital, a examiné le type de promesses vertes faites dans les prospectus des obligations vertes (à quoi servira le produit) et le type de clauses de non-responsabilité (si il y en a) pour limiter la responsabilité juridique au cas où ces promesses ne seraient pas tenues. 

Sources : Curtis et al. (2023) & Joachim Klement (2023) 

Quand les obligations vertes ont fait leur apparition, la majorité, sinon toutes ces obligations émises, s'engageaient à financer des projets écologiques. Depuis 2018, la proportion d'obligations émises avec ces engagements éco-responsables a baissé progressivement. En 2022, seulement 27% des obligations vertes émises incluaient des promesses environnementales (“includes green promise” sur le schéma), soit un peu plus qu'un quart. Étant donné que la certification et l'audit externe ne sont pas obligatoires pour valider leur statut « vert », n'importe quelle entité peut émettre des obligations soi-disant vertes sans répondre aux critères essentiels. 

De plus, environ les deux tiers des obligations vertes émises incluent des clauses dégageant l'émetteur de toute responsabilité en cas de non-respect des engagements verts. Ces clauses précisent qu'une violation de la promesse d'utiliser ces fonds à bon escient écologique n'entraîne pas de défaillance. Pareillement, deux tiers des obligations vertes nouvellement émises exigent de l'émetteur d'investir les fonds dans des projets verts, tout en maintenant des clauses de non-responsabilité (“disclaims default” et” disclaims duty”). 

En réalité, depuis deux-trois ans, les obligations vertes ne sont qu'un simple éco-blanchiment. Elles proposent des engagements creux et les investisseurs ne peuvent pas exiger que l'émetteur justifie l'utilisation des fonds comme ils le souhaitent. Les obligations vertes ne sont qu'un simple produit conventionnel avec une belle étiquette. Mettre un terme à cet abus est pourtant simple : il suffit d'imposer un audit des obligations vertes par des tiers selon les principes des obligations vertes et de changer ces principes pour préciser explicitement qu'un mésusage des fonds levés par des obligations vertes entraîne un défaut. 

Il existe cependant certaines choses, comme les Green bonds principles qui fixent des bonnes pratiques à respecter comme la définition des activités éligibles aux fonds levés par les obligations vertes, la mise en place d’un contrôle indépendant du caractère écologique de l’émission, ou le reporting annuel public pour suivre l’avancement des projets. En France, le label “transition énergétique et écologique pour le climat”, créé en 2015, concerne des fonds qui intègrent les obligations de projets, sous réserve qu’elles financent des projets relevant d’activités dans la nomenclature du label (adaptée de celle de la Climate bonds initiative) et qu’elles soient alignées sur les Green bonds principles. Tout ceci est bien sympathique mais il y a comme un trou dans la raquette. Ces Green bonds principles ont en effet des limites telles que l’absence de définition claire des projets verts, la divergence flagrante dans les méthodologies de reporting, le manque de standardisation ou de consensus sur les expertises menée par une tierce partie sur les critères de sélection des projets financés et surtout leur caractère non contraignant. 

Les enjeux futurs seront donc d’améliorer la qualification “verte” des projets ainsi que renforcer le reporting et la vérification in situ des sommes réellement investies afin de ne pas laisser les entreprises faire ce qu’elles veulent avec l’argent des prêteurs. En attendant, méfiez-vous de ce genre d’obligations, vérifiez les émetteurs et leur historique en matière de respect des promesses émises par rapport aux projets réellement financés.