(Actualisé tout du long)

par Gabriela Baczynska, Krisztina Than et Andrew Gray

BRUXELLES, 14 décembre (Reuters) - Les dirigeants de l'Union européenne, réunis en sommet à Bruxelles, sont convenus d'ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, a déclaré jeudi le président du Conseil européen, Charles Michel, une annonce inattendue alors que la Hongrie a affiché son opposition à une telle décision.

"C'est une victoire pour l'Ukraine. Une victoire pour toute l'Europe. Une victoire qui motive, inspire, renforce", s'est réjoui le président ukrainien, Volodimir Zelensky, qui avait plaidé plus tôt dans la journée devant les Vingt-Sept pour un soutien politique et financier à Kyiv.

En amont de l'ouverture du sommet, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a répété qu'il n'entendait céder ni sur l'ouverture rapide de négociations d'adhésion de l'Ukraine au bloc communautaire, ni sur le déblocage de 50 milliards d'euros d'aide à Kyiv prélevés sur le budget de l'UE.

Il n'a pas semblé dévier de sa position après l'annonce de Charles Michel, décrivant comme "mauvaise" la décision d'ouvrir des pourparlers formels avec l'Ukraine pour son entrée dans l'UE.

Viktor Orban a déclaré ne pas avoir pris part au vote, ajoutant que les négociations se poursuivaient sur la modification du budget de l'UE.

Des diplomates européens ont indiqué que le Premier ministre hongrois a quitté la salle de réunion en sachant et acceptant le fait que ses homologues européens se prononceraient sur l'Ukraine en son absence.

Si la Hongrie est le seul membre du bloc communautaire à défendre une position aussi radicale à l'égard de l'Ukraine, la règle de l'unanimité conférait de facto à Budapest un pouvoir de veto.

Le sommet de deux jours est perçu comme crucial pour le signal qu'il pourrait envoyer à la Russie, près de deux ans après le début de ce que Moscou qualifie d'"opération militaire spéciale" en Ukraine mais que Kyiv et ses alliés occidentaux dénoncent comme une invasion.

"NE TRAHISSEZ PAS L'UKRAINE"

Cette réunion des dirigeants européens intervient alors que la contre-offensive lancée en juin dernier par l'armée ukrainienne, avec l'objectif de reprendre des territoires contrôlés par la Russie dans le cadre de son offensive, n'a pas permis d'obtenir les gains espérés.

Une pression supplémentaire pèse aussi sur l'UE dans un contexte de divergences au Congrès américain sur des aides supplémentaires à apporter à l'Ukraine. A l'approche de la suspension de leurs travaux pour les fêtes de fin d'année, les parlementaires américains n'ont toujours pas approuvé l'enveloppe supplémentaire de 60 milliards de dollars voulue par le président Joe Biden.

S'exprimant dans la journée par visioconférence devant les dirigeants de l'UE, Volodimir Zelensky les a appelés à prendre en compte les efforts réalisés par son pays en réponse aux conditions posées par la Commission européenne pour entamer un processus d'adhésion.

"Je ne vous demande qu'une chose aujourd'hui : ne trahissez pas (notre) peuple et sa foi dans l'Europe", a-t-il dit, selon le script de son discours, enjoignant les dirigeants européens à ne pas laisser le président russe Vladimir Poutine afficher un "sourire satisfait" à l'issue du sommet.

Charles Michel a annoncé en fin de journée que les dirigeants européens étaient convenus d'"ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie", indiquant aussi qu'ils accordaient à la Géorgie le statut de candidat. Il n'a donné aucun détail sur les circonstances de ce vote.

Viktor Orban, proche de Vladimir Poutine, a répété à son arrivée à Bruxelles que les conditions n'étaient selon lui "pas réunies" pour entamer des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, en dépit de la recommandation en ce sens formulée en novembre par la Commission européenne. Il a invité à attendre le résultat des élections législatives devant se tenir en juin prochain, dont les partis hostiles au soutien à l'Ukraine et favorables à la Russie pourraient sortir très renforcés.

Des responsables et diplomates européens avaient dit s'attendre à une série de réunions difficiles qui pourraient se prolonger jusque tard dans la nuit de vendredi à samedi, voire jusqu'à la fin de semaine.

Signe des intenses efforts diplomatiques, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, accompagnés de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et de Charles Michel, devaient rencontrer Viktor Orban avant l'ouverture du sommet. (Reportage Gabriela Baczynska et Andrew Gray, avec Bart Mejer, Johnny Cotton, Krisztina Than, Julia Payne, Philip Blenkinsop, Jan Strupczewski, Michel Rose et Ron Popeski; version française Tangi Salaün et Jean Terzian, édité par Nicolas Delame)