(Précisions, négociations, contexte)

par Suadad al-Salhy

BAGDAD/ERBIL, Irak, 10 janvier (Reuters) - Des discussions étaient en cours vendredi pour éviter que l'armée irakienne ne lance un assaut contre la ville de Falloudja, à l'ouest de Bagdad, contrôlée depuis dix jours par des combattants islamistes appuyés par des miliciens sunnites.

Des responsables militaires et les autorités locales ont assuré que l'attaque ne serait pas lancée tant que se poursuivront les négociations qui visent à ce que les islamistes liés à Al Qaïda évacuent la ville et en laissent le contrôle aux tribus sunnites locales.

L'armée gouvernementale a déjà massé des blindés, de l'artillerie et des troupes autour de Falloudja, située dans la province d'Anbar, à 70 km à l'ouest de Bagdad.

Des doutes sont apparus sur l'affiliation exacte des combattants masqués qui ont pris "la cité des mosquées" le 1er janvier.

Des habitants qui ont fui la localité se demandent s'il s'agit vraiment d'islamistes affiliés à Al Qaïda, comme le prétend le gouvernement de Bagdad.

D'après certains témoins, les combattants entrés la semaine dernière dans Falloudja ont d'abord hissé des drapeaux noirs d'Al Qaïda sur les postes de police et lancé par haut-parleurs des appels à la population lors des prières du vendredi.

Ces drapeaux ont ensuite disparu et les habitants doutent que les combattants soient réellement membres de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), une émanation d'Al Qaïda.

"Nous n'avons pas vu de forte présence armée représentant l'EIIL, seulement des hommes cagoulés portant des armes", a dit Monzher Hazallah, un ingénieur qui a fui Falloudja avec sa famille. "Nous ignorons qui ils sont. Ils sont masqués".

Il est difficile de savoir s'il s'agit de combattants de l'EIIL ou de membres de tribus sunnites de la province d'Anbar mais une chose est certaine: les habitants restés dans Falloudja ont peur de ce qui les attend.

"Il y a d'un côté les forces gouvernementales et de l'autre les hommes en armes, et nous sommes pris entre eux", confie Adel Abdoullah Hussein, qui s'est réfugié à Erbil.

APPEL A LA PATIENCE

Selon les Nations unies, plus de 11.000 familles ont fui la province ces derniers jours. Plusieurs centaines ont trouvé refuge dans la ville sainte chiite de Kerbala, où elles se sont installées dans un camp normalement utilisé par des pèlerins, a déclaré un responsable local.

Au moins 60 personnes - des civils, des miliciens et des combattants tribaux - ont été tués depuis dix jours dans la région - 43 à Ramadi, la capitale provinciale, et 17 à Falloudja, selon des sources médicales. On ignore les pertes subies par l'armée irakienne.

A Washington, un responsable américain a appelé jeudi le gouvernement irakien à la patience et à la retenue, disant espérer que l'armée n'aurait pas à lancer l'assaut contre Falloudja.

Vendredi, jour de grande prière, les mosquées de la ville étaient ouvertes pour la première fois depuis plus d'un an.

Jusqu'alors, les prières avaient lieu dans un camp proche de la ville établi fin 2012 par des manifestants sunnites hostiles au gouvernement du Premier ministre chiite Nouri al Maliki, camp dont le démantèlement fin décembre a provoqué l'embrasement actuel.

Les marchés ont aussi en partie rouvert.

"La décision a été prise de ne pas attaquer la ville et de laisser le temps aux dirigeants locaux de résoudre la crise", a déclaré Falih al Essaoui, membre du conseil provincial engagé dans les négociations.

"Le gouvernement central (de Bagdad) est d'accord et nous soutient totalement", a-t-il ajouté.

"La ville est calme maintenant et nous formons un conseil local pour gérer les affaires publiques et fournir les services essentiels aux habitants", a dit un autre négociateur, le cheikh Mohamed al Badjari.

"Pour le moment, j'exclus une attaque de l'armée mais les gens restent inquiets et doutent de la sincérité du gouvernement", a-t-il poursuivi. (Avec Isabel Coles; Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)