TUNIS, 11 octobre (Reuters) - Les islamistes tunisiens d'Ennahda sont prêts à quitter le pouvoir si les urnes en décident ainsi et souhaitent que les élections anticipées aient lieu le printemps prochain, a déclaré vendredi le président du parti islamiste, Rached Ghannouchi, dans une interview accordée à Reuters.

"Pour ce qui est des élections, nous les voulons aussi vite que possible. De façon réaliste, nous parlons du printemps prochain", dit-il.

Ennahda, qui gouverne la Tunisie avec l'appui de deux formations laïques - le Congrès pour la république du président Moncef Marzouki et le parti de gauche Ettakatol -, a accepté un plan de transition qui doit mener à la mise en place d'un gouvernement "technique" intérimaire et l'organisation d'élections anticipées.

La préférence de l'opposition va à des élections plus tardives afin de se laisser davantage de temps pour s'organiser et resserrer les liens entre les différents groupes qui la composent.

Cette transition est le fruit d'une médiation du principal syndicat du pays, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui est intervenu pour sortir de la crise politique née de l'assassinat de deux opposants laïcs et du blocage des travaux de l'assemblée constituante.

Mais Ghannouchi veut que l'opposition siège de nouveau à l'assemblée constituante, un point de divergence qu'il va falloir régler au cours des négociations officiellement lancées le week-end dernier.

"Ce que nous disons à l'opposition est très simple: revenez à l'assemblée et finissez votre travail en finalisant la Constitution et en créant une commission électorale, en retour, nous céderons le gouvernement", dit-il.

"Donnez au peuple tunisien qui vous a élus la Constitution pour laquelle ils vous ont élus, et nous céderons le gouvernement", insiste-t-il.

"LE PEUPLE TUNISIEN DÉCIDERA"

La Tunisie, qui a été le berceau des mouvements du "printemps arabe" en 2011, a basculé dans la crise politique avec l'assassinat de Chokri Belaïd en février et, plus encore, de Mohamed Brahmi, figure de l'opposition de gauche et membre de l'Assemblée nationale constituante (ANC) abattu en juillet.

La place de l'islam dans la société est un des moteurs de cette crise en dépit de laquelle Ghannouchi estime qu'Ennahda peut espérer se maintenir au pouvoir à l'issue de cette transition.

"Le peuple tunisien décidera lors des élections si le gouvernement a échoué ou pas", dit-il, réfutant l'idée d'un recul des mouvements islamistes qui furent les grands bénéficiaires des premiers scrutins organisés dans le monde arabe après le "printemps".

"Nous enregistrons peut-être des reculs, mais la tendance générale est à la hausse", affirme Ghannouchi qui ne voit pas dans l'éviction du président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, un revers de fond pour l'islam politique.

"Dans le monde des idées, dit-il, la seule idée qui prévaut est que l'islam et la modernité vont main dans la main, que l'islam et la démocratie vont main dans la main." (Patrick Markey; Henri-Pierre André pour le service français)