* CGT et CFDT s'inquiètent des conséquences du "déni" présidentiel

* Tiraillements au NFP entre Insoumis et socialistes

* Larcher (LR) appelle à attendre septembre pour un gouvernement

* Le 18 juillet, prochaine date-butoir?

PARIS, 11 juillet (Reuters) - A la confusion politique s'ajoute jeudi le risque d'un conflit social en France face au choix contesté d'Emmanuel Macron de dénier au Nouveau Front populaire (NFP) l'initiative de former un gouvernement et d'en appeler à "l'arc républicain" pour bâtir une majorité "plurielle" dans une Assemblée fragmentée.

Loin de susciter la "concorde" et "l'apaisement" que le chef de l'Etat appelle de ses voeux dans une "Lettre aux Français" diffusée mercredi, trois jours après les élections législatives anticipées, la posture présidentielle, qualifiée au mieux de temporisation mortifère au pire de "coup de force", a ravivé les tensions.

Sous pression, l'alliance de gauche du NFP (La France insoumise, Parti socialiste, Europe Ecologie-Les Verts, Parti communiste), arrivée en tête des législatives avec 182 sièges, multiplie les réunions pour tenter de s'entendre sur un candidat ou une candidate pour le poste de Premier ministre et les grands axes d'un programme de gouvernement.

"C'est une affaire d'heures", a de nouveau assuré l'eurodéputée LFI Manon Aubry sur franceinfo. La députée NFP Sandrine Rousseau s'est inquiétée des délais sur RMC Info, estimant qu'"on perd du terrain, on inquiète en n'étant pas capables de sortir un gouvernement".

Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, a affirmé sur franceinfo que "rien ne coince" dans les négociations, où Insoumis et socialistes se disputent la part du lion au vu de leurs gains aux élections législatives. Une équipe gouvernementale sera présentée "d'ici la fin de semaine", a-t-elle dit.

Selon Eric Coquerel (LFI), le Parti socialiste d'Olivier Faure, qui a exclu de s'affranchir de l'alliance pour une autre coalition, refuserait un postulant à Matignon issu des rangs des Insoumis.

"BIDONS D'ESSENCE"

Dans sa lettre, le chef de l'Etat, qui se trouve à Washington pour le sommet de l'Otan, ajoute à la menace de paralysie en excluant d'emblée LFI des forces "républicaines" qu'il exhorte à "bâtir es compromis".

"Quand on est président de la République, on doit être garant du respect des institutions, de la démocratie des urnes. On doit rassembler le pays au lieu de jeter des bidons d'essence à chaque fois qu'il y a des incendies", a souligné sur LCI la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.

Son homologue de la CFDT, Marylise Léon, a jugé légitime sur France Inter que le bloc "qui arrive en tête pose les conditions et que l'on parte de programme. C'est quand même ce qu'ont demandé les citoyens, c'est important aujourd'hui de respecter le vote", a-t-elle dit.

La CGT Cheminots a d'ores et déjà annoncé des rassemblements en France le 18 juillet, à huit jours du début des Jeux olympiques de Paris, "pour exiger un gouvernement issu du Nouveau Front populaire".

"Il est quand même très probable que, pour obtenir un gouvernement de gauche (...), il faille pousser très fort par en bas, par une mobilisation unitaire, des manifs, des grèves", a écrit sur X Philippe Poutou, ancien candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à l'élection présidentielle.

Le gouverneur de la Banque de France (BdF), François Villeroy de Galhau, s'est inquiété sur franceinfo d'un "choc d'incertitude" susceptible de peser sur l'économie française.

Le 18 juillet débute la XVIIe législature avec l'élection du président de l'Assemblée nationale.

UN PREMIER MINISTRE ISSU DE LA SOCIETE CIVILE?

Le gouvernement de Gabriel Attal, maintenu dans ses fonctions par Emmanuel Macron avec toutes ses prérogatives constitutionnelles, pourrait démissionner le 17 juillet afin de permettre au chef du gouvernement et aux ministres élus de siéger et de participer au vote à bulletins secrets du 18 juillet pour le "perchoir", selon Politico, qui cite le directeur de cabinet de Gabriel Attal, Emmanuel Moulin.

Le gouvernement démissionnaire serait ainsi chargé d'expédier les affaires courantes dans l'attente de la nouvelle équipe gouvernementale, "comme le veut la tradition républicaine", rappelle Emmanuel Macron dans sa lettre.

Le président du Sénat (Les Républicains) Gérard Larcher, qui a rencontré mardi Emmanuel Macron à l'Elysée, a jugé nécessaire sur BFM TV que la situation se décante et que la formation du futur gouvernement intervienne à la rentrée, après les Jeux olympiques et paralympiques, soit après le 8 septembre.

"Cette dissolution est un gâchis extraordinaire pour le pays. On ne joue pas avec la France", déplore-t-il dans Le Monde. Si le président vient à confier la charge du gouvernement au NFP, "je combattrai ce choix et je demanderai à ce que le gouvernement soit censuré" , a ajouté Gérard Larcher sur BFM TV.

Partisan lui aussi d'un gouvernement démissionnaire en place jusqu'en septembre, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a suggéré sur Europe 1/CNews la nomination d'une personnalité issue de la société civile à Matignon, "un Premier ministre d'intérêt public", "dégagé des jeux partisans".

Le président du MoDem François Bayrou, qui n'exclut pas d'assumer ce rôle, considère sur TF1 que c'est à Emmanuel Macron de lever les blocages liés selon lui au seul "intérêt partisan", en nommant "un Premier ministre (auquel il)reviendra, avec des personnalités fortes, d'expérience (...) de former un gouvernement dans lequel chacun pourra retrouver une part de sa sensibilité". (Rédigé par Sophie Louet, avec la rédaction de Reuters, édité par Blandine Hénault)