WASHINGTON (Reuters) - La Cour suprême des Etats-Unis a confirmé mardi l'authenticité d'un projet de décision, rendu public la veille par le site d'information Politico, indiquant que la plus haute juridiction américaine pourrait revenir sur l'arrêt Roe vs Wade, jurisprudence clé datant de 1973 qui a légalisé l'avortement.

Cette annonce a fait l'effet d'une bombe à travers le pays, alors que la question du droit à l'avortement est l'une des plus sensibles et clivantes de la politique américaine depuis près d'un demi-siècle.

Joe Biden a promis d'oeuvrer à protéger le droit à l'avortement, décrivant celui-ci comme "fondamental".

Le locataire démocrate de la Maison blanche a exhorté les électeurs à choisir des candidats favorables à ce droit lors des "midterms" de novembre prochain, afin que le Congrès puisse adopter une législation nationale sur la question.

Alors que plusieurs Etats ont adopté des lois sur l'avortement plus restrictives, soutenues par les élus républicains, Joe Biden a indiqué avoir demandé à des représentants de la Maison blanche de préparer des options pour répondre à tous les cas de figure.

"Nous serons prêts quand un jugement sera rendu", a-t-il dit dans un communiqué.

La Cour suprême a annoncé l'ouverture d'une enquête pour déterminer comment son projet de décision a "fuité", la juridiction se targuant de toujours maintenir secrètes ses délibérations.

Dans un communiqué de presse, la Cour a déclaré que le document, signé par le juge conservateur Samuel Alito, ne "représente pas la position finale" de ses juges.

Un projet de loi démocrate destiné à protéger l'accès à l'avortement aux Etats-Unis est resté sans suite cette année au Congrès, où les démocrates disposent d'une majorité étroite. Une majorité qualifiée est nécessaire pour adopter un tel texte au Sénat.

Pour la plupart, les démocrates soutiennent le droit à l'avortement, et les républicains y sont majoritairement opposés.

ROE VS WADE, "UNE ERREUR DÈS LE DÉBUT"

Des activistes favorables au droit à l'avortement se sont réunis dès la nuit de lundi à mardi devant le bâtiment de la Cour suprême pour protester contre le projet de décision, appelant les démocrates à "faire quelque chose".

"Si cette information est exacte, la Cour est sur le point d'infliger la plus forte restriction des droits des cinquante dernières années, pas seulement aux femmes mais à tous les Américains", ont déclaré la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le chef de file de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, dans un communiqué commun publié avant la confirmation de l'authenticité du document.

Un sondage réalisé en 2021 par le Pew Research Center a révélé que 59% des Américains adultes se prononçaient en faveur de l'avortement légal dans tous ou la plupart des cas, tandis que 39% estimaient que cette procédure devrait être illégale dans tous ou la plupart des cas.

Samuel Alito a écrit dans l'avis préliminaire, daté du 10 février et dont Politico a publié une copie lundi, que l'arrêt Roe vs Wade était "absolument erroné depuis le début".

Cet arrêt historique, autorisant les avortements tant que le foetus n'est pas viable - soit entre 24 et 28 semaines de grossesse - a été adopté à tort car la Constitution américaine ne mentionne pas spécifiquement le droit à l'avortement, a ajouté le juge conservateur.

"L'avortement pose une question morale profonde. La Constitution n'interdit pas aux citoyens de chaque Etat de réglementer ou d'interdire l'avortement", estime Samuel Alito dans le document.

D'après le site Politico, quatre des autres juges conservateurs de la Cour suprême, composée de neuf membres, se sont rangés derrière l'avis de Samuel Alito.

Il n'est pas inhabituel que le vote des juges de la Cour suprême évolue entre l'avis initial et la décision définitive, laquelle fait l'objet d'une publication.

Cette décision serait la plus importante de la Cour depuis la nomination par l'ancien président républicain Donald Trump de trois juges en son sein, consolidant ainsi une majorité conservatrice de 6 contre 3.

(Reportage Lawrence Hurley, Gabriella Borter, Moira Warburton, avec Katharine Jackson, Jeff Mason, Kanishka Singh, Eric Beech et Andrea Shalal; version française Jean Terzian, Dagmarah Mackos et Laetitia Volga, édité par Kate Entringer, Jean-Michel Bélot et Tangi Salaün)