Lors de son passage à New York pour l'Assemblée générale des Nations Unies fin septembre, M. Macron, ancien banquier d'affaires chez Rothschild entre 2008 et 2012, a pris le temps de rencontrer une douzaine de dirigeants financiers dans le but de les rassurer quant à la situation fiscale préoccupante de la France. Trois personnes ayant eu vent des propos du président ont confirmé ses déclarations.

Goldman Sachs, Blackstone… des CEO prestigieux

Au cours d'une session d'échanges qui a duré plus d'une heure, 13 financiers et gestionnaires d'actifs de renom, y compris John Waldron, président de Goldman Sachs, et Stephen Schwarzman, PDG de Blackstone, ont reçu de M. Macron un aperçu sans fard de l'économie française et européenne. Selon un participant s'exprimant sous couvert d'anonymat auprès de Reuters, le président Macron a évoqué l'éventualité d'augmenter les impôts pour équilibrer le budget national. Il a également été question des défis économiques auxquels la France doit faire face.

Parallèlement, le président a mis en avant le potentiel d'investissement en France et a discuté des moyens d'élargir les activités des entreprises multinationales sur le territoire français.

Familier des participants grâce aux sommets annuels "Choose France", M. Macron a œuvré durant sept ans à redéfinir l'image de la France auprès des investisseurs, cherchant à présenter le pays comme un environnement dynamique et propice aux affaires, plutôt que comme un marché entravé par une fiscalité lourde.

La rencontre avec les banquiers s'est tenue le 24 septembre, dans un contexte où le gouvernement minoritaire de M. Macron entamait l'élaboration d'un budget destiné à répondre à un déficit qui pourrait excéder les 6% du PIB cette année, alimentant ainsi les spéculations sur des hausses d'impôts imminentes. Cet entretien faisait suite à une autre réunion, plus modeste mais dans la même veine, qui s'était tenue en marge des Jeux olympiques de Paris cet été.

Un changement de cap subi

Face au ralentissement économique européen, M. Macron a mentionné la nécessité d'assainir les finances publiques par des augmentations d'impôts ciblées et temporaires, selon un second témoin de la rencontre.

Ces augmentations marqueraient un changement de cap pour la France, qui, sous la présidence Macron, a vu les impôts des grandes entreprises diminuer. Le président a invité les investisseurs à ne pas surréagir face à ces ajustements fiscaux potentiels, affirmant que la réduction des dépenses publiques restait sa priorité.

Près de la moitié de la dette publique française est détenue par des investisseurs étrangers, une proportion significativement plus élevée que dans d'autres pays de la zone euro tels que l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne. L'encours de dette négociable de l'Etat atteignait 2579 milliards d'euros au 31 août dernier.

Depuis les élections législatives anticipées de l'été, qui ont conduit à un parlement sans majorité claire, M. Macron et son équipe se sont attachés à maintenir la crédibilité de la France auprès des investisseurs face à une incertitude politique grandissante.

Le bureau du président Macron s'est abstenu de tout commentaire supplémentaire, au-delà d'une brève déclaration faite la semaine dernière pour annoncer la tenue de la réunion.

Un coût de la dette en hausse

Les inquiétudes des investisseurs se sont manifestées par l'augmentation des coûts d'emprunt de la France, qui ont récemment dépassé ceux de l'Espagne, bien que la France soit habituellement perçue comme un risque moindre. Malgré le contexte, M. Macron s'est gardé de faire des promesses concrètes aux financiers présents, selon le premier participant.

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Le président se montre proactif dans ses interactions avec les dirigeants d'entreprise, souligne une troisième source.

Ce sommet avec les acteurs de Wall Street s'est tenu une semaine avant que le Premier ministre Michel Barnier ne dévoile son intention de ramener le déficit à 5% d'ici 2025, en réduisant les dépenses et en instaurant des hausses temporaires d'impôts sur les grandes entreprises et les particuliers aisés. Le ministre du Budget de M. Barnier a évoqué un plan d'austérité de 60 milliards d'euros pour l'année prochaine.

Enfin, M. Macron a également abordé des sujets tels que l'intelligence artificielle, l'énergie nucléaire et la réglementation lors de ses discussions avec les participants.

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