* Quatorze personnes tuées par les forces de l'ordre vendredi

* Accord de l'UE à un embargo sur les exportations

* Premières sanctions contre l'industrie syrienne

* Pour Varsovie, Assad "commet un massacre"

par Khaled Yacoub Oweis et Julien Toyer

AMMAN/SOPOT, Pologne, 2 septembre (Reuters) - Les Etats membres de l'Union européenne se sont entendus vendredi pour imposer un embargo sur les exportations de pétrole syriennes afin d'accroître la pression sur le président Bachar al Assad, accusé de "commettre un massacre" contre son peuple.

Ces mesures, qui entreront en vigueur samedi et concernent en outre trois entités supplémentaires et quatre individus, ont été annoncées à Sopot en Pologne où les ministres européens des Affaires étrangères participent à une réunion informelle vendredi et samedi.

"Le président Assad commet un massacre dans son propre pays. La communauté internationale tout entière l'exhorte à renoncer au pouvoir", a déclaré le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne.

Sur le terrain, plusieurs manifestations ont éclaté à travers la Syrie, où les forces de sécurité ont fait 14 morts parmi les manifestants, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Les opposants au chef de l'Etat au pouvoir depuis onze ans sont une nouvelle fois descendus dans la rue, notamment dans des régions rurales afin de contourner l'arsenal militaire déployé dans les villes, selon des militants et des habitants.

Les forces de sécurité ont ouvert le feu entre autres dans la banlieue de Damas, la ville de Hama (centre) et les provinces d'Idlib et Deraa (sud), berceau du mouvement de contestation du régime, ont précisé ces sources.

L'agence officielle de presse Sana avance, elle, un bilan de trois morts parmi les forces de sécurité, à Damas et à Homs, où leurs bases auraient été attaquées.

Ces manifestations étaient organisées à l'occasion de la première prière hebdomadaire depuis la fin du mois de ramadan dans les faubourgs damascènes d'Irbine et d'Hamouriya ainsi que dans la province de Daïr az Zour, dans l'Est, et à Homs, selon des militants.

"La mort plutôt que l'humiliation", scandaient les manifestants rassemblés dans le village de Kfra Zita près de Hama, selon une vidéo diffusée sur le site de partage Youtube.

"Bachar vit ses derniers jours", criait la foule dans la ville de Kfar Noubboul, dans la province d'Idlib. "Nous n'avons pas de pétrole comme en Irak ou en Libye, on ne mérite pas de vivre?" pouvait-on lire sur une pancarte.

La répression du mouvement de contestation du régime de Bachar al Assad, déclenché mi-mars, a fait quelque 2.000 victimes selon l'Onu et déclenché une vague de condamnations de la communauté internationale.

"MASSACRE" EN SYRIE

L'UE a déjà visé des dizaines de responsables syriens avec des interdictions de visa et des gels d'avoirs et interdit les relations commerciales avec les entreprises militaires impliquées dans les violences.

Mais ces sanctions ont eu peu ou pas d'effets et les analystes considèrent que l'embargo, qui s'attaque pour la première fois au secteur industriel syrien, ne devrait pas peser de manière déterminante sur les capacités financières de Bachar al Assad.

Certes, la Syrie exporte 150.000 barils de brut par jour, essentiellement vers l'Allemagne, l'Italie et la France. L'embargo européen va donc perturber une source majeure d'approvisionnement en devises étrangères. Au moins à court terme.

"Ils disposent de réserves en devises étrangères suffisantes pour les soutenir le temps de trouver de nouveaux marchés", estime Julien Barnes-Dacey, spécialiste du Moyen-Orient chez Control Risks, à Londres. "Mais, ajoute-t-il, cela illustre les défis significatifs auxquels ils sont exposés: le régime se retrouve de plus en plus encerclé, que ce soit sur le plan régional ou au niveau international."

La France fait pression pour l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité de l'Onu assortie de sanctions contre Damas, une mesure jusqu'à présent rejetée par Moscou et la Chine, qui en tant que membre permanent possèdent un droit de veto.

La secrétaire américaine d'Etat, Hillary Clinton, a exhorté jeudi l'UE et d'autres pays à adopter un nouveau train de sanctions contre le gouvernement d'Assad pour accélérer son départ du pouvoir.

Aucun pays arabe n'a jusqu'à présent appelé officiellement au départ du président syrien qui a succédé en 2000 à son père, Hafez al Assad.

Selon le Premier ministre britannique, David Cameron, les pays arabes sont moins enclins à agir que dans le cas de la Libye. Mais il a néamoins observé un récent durcissement de leur position face à Bachar al Assad.

"Ils se rendent compte que ce qu'il est en train de faire est odieux, qu'il avait l'occasion de montrer qu'il était favorable aux réformes et qu'il a complètement échoué", a-t-il dit à la BBC. (Marine Pennetier et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser et Jean-Philippe Lefief)