BANGUI, 24 février (Reuters) - Des soldats tchadiens de la force africaine de maintien de la paix en République centrafricaine ont abattu lundi trois civils dans un quartier majoritairement chrétien de la capitale, Bangui, ont affirmé des riverains.

Deux militaires tchadiens ont par ailleurs été abattus et un troisième a été blessé dans un autre accrochage, a déclaré Elio Yao, porte-parole de la Misca, la force africaine de maintien de la paix.

Les affrontements religieux entre chrétiens et musulmans ont fait des milliers de morts depuis près d'un an et se poursuivent en dépit de la présence de 6.000 hommes de la Misca et de 2.000 soldats français.

Le week-end dernier, Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a menacé la France de représailles pour son intervention et son laisser-faire présumé devant les crimes commis contre les musulmans.

Les soldats du Tchad, un pays musulman, font l'objet d'accusations récurrentes de la part de la population chrétienne, qui les accuse de venir en aide aux miliciens - majoritairement musulmans - de la Séléka.

Les esprits se sont échauffés ces derniers jours, à la suite d'accrochages entre les forces tchadiennes d'une part et des habitants et des miliciens du quartier chrétien Combattant d'autre part.

"Je condamne les troupes tchadiennes. Ils ont dit qu'ils venaient ici pour rétablir la paix mais ce sont eux qui nous tuent", selon Macnel Ndotowe, un riverain.

Un porte-parole de la Croix-Rouge a fait savoir que son personnel avait bien retrouvé des corps dans le quartier, mais ne pouvait donner plus de précisions sur les circonstances de leur mort.

"ÇA PRENDRA DU TEMPS"

Selon des travailleurs humanitaires, la situation s'est pourtant améliorée ces dernières semaines, en particulier depuis le départ vers le nord d'une grande partie de la population musulmane du pays qui a fui les attaques menées par des chrétiens.

Le commandant de la force française Sangaris en Centrafrique, le général Francisco Soriano, a tenu lundi matin un discours allant dans le même sens lors d'une interview donnée à Europe 1.

"Il faut comprendre que remettre la Centrafrique sur les rails, ça prendra du temps, après il ne faut pas minimiser tous les progrès qui ont déjà été accomplis", a-t-il dit.

Le nombre d'exactions et d'affrontements a radicalement baissé depuis le début de l'opération Sangaris le 5 décembre et la transition politique dans le pays est "une réalité" et la vie économique reprend, a-t-il souligné.

L'armée française a toutefois enregistré dimanche sa troisième perte depuis le début de l'opération en décembre, celle d'un soldat mortellement blessé dans un accident de la circulation.

Et elle doit désormais faire face à la menace d'Aqmi, même si aucune présence de djihadiste n'a pour l'instant été rapportée dans le pays.

"Sachez que vos crimes ne resteront pas impunis et la guerre entre vous et nous va se poursuivre", a écrit le groupe affilié à Al Qaïda dans un communiqué.

AQMI a également appelé les musulmans de Centrafrique à entamer un djihad anti-français et les musulmans du reste du continent à frapper les intérêts français.

(Serge Leger Kokpakpa avec Marine Pennetier à Paris, Simon Carraud pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)