Paris (awp/afp) - A l'aune du changement climatique, les grandes entreprises ont le devoir moral de réduire leur impact, même dans le chocolat industriel, estime le directeur général de Mars, Poul Weihrauch, qui soutient que croissance et environnement vont de pair, dans un entretien à l'AFP.

Pour beaucoup, le géant américain de l'agroalimentaire Mars évoque les barres chocolatées type Snickers ou les M&Ms à l'heure du goûter.

Mais depuis ses débuts, l'entreprise centenaire (qui a aussi des marques de pâtes ou de chewing-gums) s'est diversifiée, particulièrement autour des animaux de compagnie.

Mars a pris un tournant majeur en 2017, avec le rachat du réseau de cliniques vétérinaires VCA pour la bagatelle de quelque 9 milliards de dollars. Avant de racheter l'année suivante le réseau européen AniCura.

Il était déjà présent dans le secteur depuis des décennies via ses marques d'aliments pour animaux (Pedigree, Whiskas...).

Désormais, le segment du "petcare" représente même 60% des revenus du groupe - un peu moins de 50 milliards de dollars en 2022 -, explique Poul Weihrauch, 54 ans, depuis une boutique parisienne de Royal Canin, une marque française rachetée en 2002 par Mars et qui génère 6 milliards de dollars de revenus annuels.

Un secteur très lucratif, avec une croissance annuelle de 8% aux Etats-Unis d'ici à 2030, selon une note de Morgan Stanley, et une tendance similaire en Europe.

Le groupe familial, qui n'est pas coté en Bourse, veut-il prendre de la distance avec la confiserie industrielle, à une époque où l'obésité est une pandémie mondiale?

"Pas du tout", affirme Poul Weihrauch, qui a repris les rênes du groupe l'an dernier, après 20 ans dans la société. "Sans chocolat, le monde serait ennuyeux. Nous étions la première entreprise à mettre en place un marketing responsable envers les enfants", assure-t-il.

La responsabilité, le mot revient souvent dans la bouche du Danois, qui vit aux Etats-Unis mais séjourne régulièrement en France. C'est même, affirme-t-il, une valeur cardinale de Mars, avec à la clef des éléments variables de sa rémunération adossés à ce critère.

M&MS "WOKE"

Mais, il le reconnaît, l'agroalimentaire est l'un des secteurs à plus fort impact sur l'environnement. Emballages plastiques, approvisionnement en huile de palme favorisant la déforestation, émissions de gaz à effet de serre, le chantier est colossal.

Mars s'est doté d'un objectif visant zéro émission nettes, directes et indirectes, d'ici à 2050 et met la main à son porte-monnaie: il a investi 1,1 milliard de dollars dans la durabilité depuis 2020, et entend doubler ce montant dans les trois prochaines années. Des investissements pour faire passer les cliniques vétérinaires à l'énergie éolienne, s'assurer d'un approvisionnement en cacao plus durable, ou trouver de nouveaux emballages pour 12'000 produits.

Le changement passera aussi par de nouvelles technologies pour des formulations de recettes. "Dans l'alimentaire, il y a des milliers d'ingrédients sur lesquels des recherches se font (...) Certains ne sont pas meilleurs en terme d'émissions, d'autres présentent des problèmes en termes de santé, c'est un développement sur le long terme: nous n'en sommes qu'au début", souligne M. Weihrauch.

"Nous avons l'obligation morale d'investir dans ces domaines", ajoute le patron. Se voit-il comme l'équivalent d'Emmanuel Faber, ancien timonier de Danone et partisan d'une approche environnementale et sociale pour les entreprises?

Poul Weihrauch décline tout commentaire. Mais il note que son entreprise réduit ses émissions de gaz à effet de serre depuis 2018: "Mars veut être connu pour faire la différence, pas pour la conversation sur le sujet".

Sans pour autant sacrifier la croissance. "C'est ce qui manque au débat actuel: si votre entreprise n'a pas des fondations solides, elle n'investira jamais dans le développement durable".

Une affirmation qui ne néglige pas un marketing malin. Récemment, l'inclusion de nouveaux M&Ms plus "inclusifs", avec un personnage violet, "Purple", symbole de soutien à la communauté LGBTQ, a valu à l'entreprise d'être qualifiée de "woke" par les milieux conservateurs aux Etats-Unis.

"Cette campagne de publicité a fait beaucoup pour la marque", s'amuse le fan de foot, pas mécontent du buzz produit.

afp/jh