Avec une action Nvidia en hausse de 144% depuis le 1er janvier, les investisseurs aimeraient avoir à se mettre un dossier alternatif à se mettre sous la dent pour jouer l'essor de l'IA. Au cours des derniers mois, ils avaient écarté Apple, dont le titre a souffert de la comparaison avec Microsoft, Google ou Meta. Et pour cause : Apple ne ponctuait aucun de ses communiqués des initiales magiques "IA". Le groupe a indubitablement pris du retard dans ce domaine, notamment parce qu'il était occupé à perdre de l'argent ailleurs (Apple Car) et à se dépatouiller d'une réorientation de sa chaîne d'approvisionnement hors de Chine.
Depuis quelques semaines, ça va un peu mieux pour le titre (cf. graphique qui suit) : il vient de repasser en territoire positif en 2024. De petits cyniques soulignent que le groupe a probablement déployé son conséquent programme de rachat d'actions pour forcer un peu le destin. Mais il va falloir convaincre lors de la WWDC.

Sur les deux derniers mois, Apple est le second des sept magnifiques le plus performant. Le marché joue la contre-Attaque de l'empire Cook.
RDV le 10 juin
La situation est excellemment résumée par Mark Gurman, fin connaisseur du dossier chez Bloomberg : "Pour donner une idée de ce à quoi Cook est confronté, comparons cela à un match de basket-ball. Apple s'est entraînée plus longtemps que ses rivaux et a l'avantage du terrain. Après tout, la société a lancé l'assistant numérique Siri en 2011, des années avant que d'autres ne se lancent dans ce domaine. Pourtant, le match a commencé et Apple accuse déjà un retard de 20 points".
Pour éviter d'être trop distancé, le management d'Apple a été forcé de faire appel à l'extérieur, ce qui n'est pas vraiment dans la culture maison. Un accord a été trouvé avec OpenAI pour injecter de l'IA dans la prochaine mise à jour du matériel Apple, iOS 18. Ce contrat va permettre d'intégrer des fonctions d'IA générative, un domaine dans lequel le groupe est notoirement en retard. Apple va devoir trouver un équilibre entre innovation, recours aux solutions tierces et politique interne de confidentialité et la sécurité. La quadrature du cercle ou presque.
C'est dans ce contexte que le coup d'envoi de la WWDC24 sera donné lundi 10 juin. La Keynote d'ouverture aura lieu à 10h00 du matin heure de Californie (19h00 en France). Apple y présentera les dernières mises à jour prévues pour ses systèmes d'exploitation et plateformes. Cette présentation sera retransmise en direct sur plusieurs canaux, dont le site officiel d'Apple et sa chaîne YouTube. A 13h00, le PSU promet de fournir un aperçu technique plus détaillé des nouveautés annoncées.
Annoncez, annoncez, il en restera toujours quelque chose
Apple doit non seulement napper toute sa présentation avec de l'IA, mais aussi convaincre que l'innovation est en marche. Le groupe ne peut se contenter de laisser penser qu'il prend le train en marche : il doit aussi chercher à persuader qu'il va reprendre place avec les conducteurs. L'exercice risque d'être un peu compliqué.
Dans ce contexte, l'annonce d'une version de Siri plus avancée, grâce au renforcement de l'IA, est presque obligatoire. Bank of America croit beaucoup aux capacités des "IntelliPhones", qui permettront des intégrations approfondies des applications. A terme, Siri pourrait devenir accessible en dehors des applications Apple. "Siri pourrait fournir une interface à plusieurs domaines, chacun représentant un type d'activité spécifique que Siri peut gérer. Nous considérons que la messagerie, les paiements, le covoiturage, les séances d'entraînement, les photos, les commandes de voiture, les réservations de restaurant, la musique, les raccourcis, etc. sont autant de domaines potentiels qui feront probablement l'objet d'une intégration plus poussée avec Siri", indique BofA.
D'ici quatre ans, la moitié des smartphones devraient bénéficier de fonctions d'IA génératives natives. Apple doit faire en sorte que ce bouleversement ne rabatte pas les cartes du secteur. L'énorme gâchis Nokia est, évidemment, dans tous les esprits.
Les bons connaisseurs du dossier pensent que le groupe pourrait insister sur les capacités hors normes de ses équipements, en particulier avec les nouvelles puces produites en interne. En promettant que ses iPhones ou ses iPad permettront d'exploiter plus efficacement l'IA, Apple gagnera un peu de temps pour se replacer dans la course. Mais il en faudra rapidement plus pour séduire les utilisateurs et le marché.
"Tout faux pas d'Apple à ce stade pourrait lui faire perdre sa place de leader technologique, face à deux géants de l'IA qui ont déjà des produits (disponibles) et ont dévoilé un calendrier de sorties qui s'étale sur les deux prochaines années", estime l'analyste Gadjo Sevilla (Emarketer). Signe des temps, Apple a brièvement perdu cette semaine son statut de seconde valeur la mieux valorisée du monde en bourse au profit de Nvidia. Les deux entreprises sont désormais au coude à coude en matière de capitalisation.
Pour répondre à la question posée par le titre, il y a probablement une opportunité avant la WWDC, pour miser sur la capacité d'adaptation d'Apple et parce qu'il ne faut pas enterrer trop vite une entreprise avec cette force de frappe financière, cette base installée et cette capacité d'innvation. Mais pour la première fois depuis des années, cette grand-messe ne consistera pas à s'auto-congratuler en empilant les smartphones colorés, les designs irréprochables et les calendriers de sortie. Non, cette fois, il va falloir quelque chose de plus substantiel.