(Actualisé tout du long)

par Lisa Maria Garza et Marice Richter

DALLAS, Texas, 8 juillet (Reuters) - Un homme au moins, qui voulait "tuer des Blancs" selon ses propres termes, a abattu jeudi soir cinq policiers et en a blessé sept autres à la fin d'une manifestation organisée à Dallas pour dénoncer la mort de deux Noirs tués cette semaine par la police.

Le suspect a été tué par un robot télécommandé porteur d'une bombe après avoir été encerclé par les forces de l'ordre. Lors des longues négociations qui ont précédé, il a déclaré avoir agi seul et ne pas faire partie d'une organisation. Mais la police a évoqué dans un premier temps plusieurs tireurs et annoncé le placement de trois personnes en garde à vue.

Le tireur tué par la police, identifié par les médias sous le nom de Micah Xavier Johnson, était réserviste de l'armée, selon une source gouvernementale américaine.

"Nous avons eu un échange de tirs avec le suspect. Nous n'avons pas eu d'autre choix que d'utiliser notre robot piégé", a dit le chef de la police de Dallas, David Brown, à la presse.

"Le suspect a dit qu'il était très affecté par les récentes fusillades policières (...) et qu'il en voulait aux Blancs. Il a affirmé qu'il voulait tuer des Blancs, en particulier des policiers blancs", a ajouté David Brown.

Les tirs ont éclaté peu avant 21h00 locales (01h00 GMT) dans un quartier du centre de Dallas où se situent de nombreux restaurants, hôtels et bâtiments publics, à la fin d'une manifestation pacifique qui avait rassemblé plusieurs centaines de personnes pour dénoncer les violences policières après la mort de deux Noirs, abattus par des policiers blancs à Baton Rouge, en Louisiane, et Falcon Heights, dans le Minnesota.

BLACK LIVES MATTER CONDAMNE LA FUSILLADE

La fusillade a semé la panique parmi les manifestants avant de gagner les policiers qui se sont cru la cible de plusieurs tireurs embusqués sur des toits ou au niveau du sol.

Dans un premier temps, David Brown a déclaré que plusieurs tireurs embusqués avaient "opéré de manière concertée avec des fusils, procédant à des tirs croisés à partir de positions élevées en différents points de la zone du centre-ville où la manifestation s'est achevée".

Il y a deux ans, la mort de Michael Brown, un jeune Noir de 18 ans, dans la ville de Ferguson en banlieue de St Louis, avait déclenché des émeutes et marqué le début d'un vif débat aux Etats-Unis sur les violences policières à l'encontre des minorités et, au-delà, relancé la question raciale.

D'autres bavures policières, dans des villes comme New York et Baltimore, avaient produit les mêmes scènes de colère et de protestation, conduit des organisations à dénoncer un "racisme institutionnalisé", et donné naissance à un nouveau mouvement de défense des droits civiques baptisé "Black Lives Matter" (La vie des Noirs compte).

Selon la police, le tireur présumé de Dallas était "bouleversé par Black Lives Matter". Sur son compte Twitter, le mouvement a de son côté condamné la fusillade, déclarant "défendre la dignité, la justice et la liberté. Pas le meurtre".

Quinyetta McMillon, qui a eu un enfant avec Alton Sterling, l'homme tué par la police à Baton Rouge, a elle aussi "totalement rejeté les actes de violence répréhensibles qui ont été perpétrés contre des membres du département de police de Dallas". "Quelle que puisse être la colère des gens, le recours à ce genre de violence ignoble ne devrait jamais survenir et ne peut être toléré", a-t-elle dit.

TRUMP ET CLINTON ANNULENT LEURS MEETINGS

Le président Barack Obama, en visite à Varsovie pour le sommet annuel de l'Otan, a transmis ses condoléances au maire de Dallas Mike Rawlings au nom du peuple américain.

"Je crois parler au nom de chaque Américain en me déclarant horrifié par ces événements", a-t-il dit.

"Nous ne connaissons pas encore l'ensemble des faits. Ce que nous savons, c'est qu'il s'est agi d'une attaque brutale, calculée et abjecte contre les forces de l'ordre."

Les candidats à l'élection présidentielle du 8 novembre, Donald Trump et Hillary Clinton, ont annulé des meetings de campagne.

"Notre pays est devenu trop divisé. Trop d'Américains ont le sentiment d'avoir perdu espoir", a déclaré Donald Trump, qui briguera la présidence au nom du Parti républicain, dans un tweet, plaidant pour "un leadership fort, pour l'amour et la compassion."

Hillary Clinton a dit "porter le deuil des policiers abattus alors qu'ils effectuaient leur devoir".

Cette attaque de jeudi, la plus meurtrière contre des policiers aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001, porte à 26 le nombre de policiers tués dans le pays depuis le début de l'année, soit une hausse de 44% par rapport aux 18 policiers tués pendant la même période en 2015, selon le National Law Enforcement Officers Memorial Fund.

D'après un décompte établi par le Washington Post, Philando Castile, mortellement blessé de quatre balles lors d'un banal contrôle routier mercredi soir dans le Minnesota, est quant à lui le 123e Noir américain abattu par la police en 2016.

Les autorités du Minnesota ont rapidement réagi pour tenter de calmer la situation, le policier auteur des coups de feu ayant été immédiatement suspendu de ses fonctions.

Lors d'une conférence de presse, la ministre de la Justice Loretta Lynch a prôné l'apaisement et refusé que les événements de la semaine deviennent une "nouvelle norme" dans le pays. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)