* L'ONG dénonce une "absence de réponse scandaleuse"

* Reprend une idée soutenue par la France et le Mexique

PARIS, 25 février (Reuters) - Les membres permanents du conseil de sécurité de l'Onu doivent renoncer à leur droit de veto en cas de génocide ou de crimes de masse, estime Amnesty International dans son rapport annuel sur les droits de l'homme publié mercredi.

L'idée d'une limitation du droit de veto des cinq pays membres du conseil de sécurité est soutenue par la France, membre du club, et le Mexique qui ont présenté en septembre une initiative visant à l'encadrer sans parvenir pour l'heure à convaincre la Russie et la Chine, ses plus gros utilisateurs.

"2014 s'est révélée catastrophique pour des millions de personnes en proie aux violences", écrit Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty international dans un communiqué. "La réponse de la communauté internationale aux conflits et aux violations commises par des États et des groupes armés est scandaleuse et inopérante."

L'année 2014 a été marquée par la poursuite de la guerre en Syrie, qui a fait à ce jour plus de 200.000 morts et dix millions de déplacés, le conflit ukrainien, dans lequel plus de 5.000 personnes ont perdu la vie, et la montée en puissance de l'Etat islamique en Syrie et en Irak, qui a provoqué la fuite de plusieurs milliers de personnes.

En juillet 2014, l'offensive de l'armée israélienne contre la bande de Gaza a elle coûté la vie à 2.000 Palestiniens, dont une majorité de civils.

En Afrique, la secte islamiste Boko Haram a multiplié les exactions et les attaques, au Nigeria et dans les pays voisins. En Centrafrique, plus de 5.000 personnes sont mortes lors d'épisodes de violences intercommunautaires.

Au Soudan du Sud enfin, des dizaines de milliers de civils ont été tués dans le conflit armé opposant le gouvernement et les forces d'opposition, selon Amnesty.

"Les gouvernements doivent cesser d'affirmer que la protection des civils n'est pas de leur ressort et contribuer à soulager les souffrances de millions de personnes", estime Anna Neistat, directrice générale du programme de recherche d'Amnesty International.

"LES BRAS CROISES"

Parmi les mesures à prendre, l'ONG demande aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Russie et Chine) de renoncer à faire usage de leur droit de veto en cas de génocide ou atrocités de masse.

"Cette initiative pourrait changer entièrement la donne et donner un nouveau souffle aux instruments dont dispose la communauté internationale pour protéger les civils en grand danger", estime Salil Shetty. "En renonçant à leur droit de veto, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité élargiraient la marge de manoeuvre des Nations unies et feraient clairement savoir aux responsables d'atrocités massives que le monde ne restera pas les bras croisés".

Depuis le début de la guerre en Syrie, quatre résolutions portant sur le conflit ont été bloquées par un double veto : celui de la Russie, soutien indéfectible de Damas, et de la Chine, au nom du principe de non-ingérence.

L'idée d'une limitation du droit de veto face à des crimes de masse est soutenue depuis 2013 par la France qui a reconnu l'an dernier qu'il s'agissait d'un travail "de longue haleine, de pression et de conviction".

Si aucune mesure n'est prise face à l'évolution de la nature des conflits, la situation va s'aggraver en 2015, prévient Amnesty International dans son rapport 2014, qui passe en revue la situation des droits de l'homme dans 160 pays.

Outre les crimes et atrocités commises par les groupes armés, l'ONG s'alarme également de la répression orchestrée par certains régimes et des violations de la liberté d'expression découlant des nouvelles lois antiterroristes "draconiennes" adoptées par certains pays dans leur lutte contre le terrorisme.

(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)