C'est l'heure de l'Europe. Depuis le début de l'année, les actions européennes caracolent en tête, portées par la perspective de hausse des dépenses militaires, et la fin de l'austérité budgétaire en Allemagne. Des décisions qui permettent d'entrevoir une croissance plus élevée, pour un continent englué depuis plus d'une décennie dans le narratif de la "stagnation séculaire".

Ne rien attendre de 2025

Malgré ces perspectives enthousiasmantes, les derniers jours ont été marqués par des révisions à la baisse de la croissance, au niveau mondial et au niveau européen. Ainsi, lors de sa dernière réunion, la BCE a abaissé sa prévision de croissance pour la zone euro. En 2025, l'institution de Francfort prévoit désormais une croissance à 0.9% contre 1.1% précédemment. De son côté, l'OCDE a révisé à la baisse ses projections de croissance en début de semaine. La croissance mondiale est attendue à 3.1% (contre 3.3% auparavant), tandis que la croissance européenne a été abaissée à 1%, contre une précédente prévision à 1.3%.

Les tensions commerciales et les incertitudes géopolitiques devraient en effet peser sur la croissance cette année. C'est d'autant plus vrai pour l'Europe, qui est une zone relativement ouverte et qui compte beaucoup sur l'exportation, alors que la demande domestique y est assez faible. Ainsi, certains secteurs pourraient être fortement affectés par des droits de douane. On pense par exemple aux vins et spiritueux.

Changer le narratif sur l'Europe

S'il ne faut pas attendre grand-chose de 2025, la relance budgétaire allemande et l'augmentation des budgets militaires des pays européens permettent surtout d'améliorer les perspectives de croissance à moyen terme. Ainsi, selon les estimations d'Allianz, la croissance du PIB allemand sera de 1.7% en 2026 et de 2.1% en 2027, après plusieurs années de relative stagnation.

Ce qui est important, c'est que ces perspectives permettent déjà de changer le narratif sur l'Europe. Depuis 2008, l'Europe était vue comme une zone sans croissance, assez fragmentée et trop règlementée. Donc structurellement peu investissable pour les investisseurs internationaux. En témoignent des flux sortants sur les actions européennes depuis une dizaine d'années.

Source : EPFR, Barclays Research

Une dynamique qui commence tout juste à s'inverser. La dernière enquête de Bank of America auprès des gérants montre la plus forte baisse mensuelle des allocations sur les actions américaines depuis que cette enquête est réalisée. Et en parallèle, on constate une très forte augmentation de l'exposition aux actions européennes.

La BCE en plein doute

Malgré une baisse de ses prévisions de croissance pour 2025, la BCE a adopté une approche plus prudente concernant l'évolution des taux directeurs. C'est ce qui ressort de la communication de la dernière réunion. Dans le communiqué, la BCE indique que les taux d'intérêt sont désormais : "meaningfully less restrictive". Le taux de dépôt se situe maintenant à 2.5%, après une sixième baisse d'affilée en mars.

En début d'année, le consensus était que la BCE allait poursuivre la baisse des taux, avec un taux terminal estimé entre 1.5% et 2%. Mais avec le récent changement de ton de la BCE, 2% semble désormais un niveau plancher. Il resterait donc encore deux baisses de taux d'ici à la fin de l'année.

Ce que l'on constate, c'est que la situation actuelle est assez inconfortable pour la BCE. D'un côté, elle voit les risques sur la croissance. Et de l'autre côté, il y a la perspective de politiques budgétaires plus expansionnistes qui devraient, à moyen terme, relever le niveau de croissance et d'inflation. Ce que Christine Lagarde résumait bien lors de sa dernière conférence de presse : "We have risks all over, and uncertainty all over". Face à ces incertitudes, la BCE préfère donc une approche prudente, quitte à rester un peu restrictive. Rappelons que la Banque centrale européenne estime le taux neutre entre 1.75% et 2.25%.